Tombés du camion, Patrick Timsit fait son retour au cinéma


Un retour qui ne se fait pas sans bruit. Tombés du camion, un film magnifique mettant en avant plusieurs thématiques sociales comme « La désobéissance civile » ou encore « La criminologie de la réaction sociale ». Certains trouveront que ce film est facile ! Pourtant, il dévoile avec justesse comment des honnêtes travailleurs, gens vont franchir les limites de la légalité pour essayer de s’en sortir. Une histoire sans artifice, qui puise sa force dans la manière dont le réalisateur semble n’émettre aucun jugement sur les différents protagonistes : il déroule le récit de leur vie et montre combien il peut être difficile de faire les choses bien et combien on doit se faire violence pour garder la tête haute.

La vie des pêcheurs se trouvant face à plusieurs règles absurdes :

Un peu comme les agriculteurs, ils vivent dans une réglementation de plus en plus lourde. Depuis le Brexit, les zones de pêche ne sont désormais plus celles qui étaient autorisées avant. La Mer est régie par des limitations et des changements permanents qui usent ceux qui y travaillent.
Avec au-dessus de cela, une suite d’absurdités dans l’administration qui, face à quelqu’un qui dérive, ne se focalise uniquement sur l’excès de vitesse.

Le réalisateur arrive à mettre de manière discrète le conflit entre les travailleurs indépendants et les fonctionnaires désignés comme protégés par leur emploi face à des personnes vivant dans l’incertitude de demain. On a cette condescendance de proches estimant que Stan pourrait changer de métier, pour se poser dans un travail plus simple. C’est une vue de l’esprit qui ne peut se concrétiser sans beaucoup de révolte et de travail sur soi. Pour lui, la mer est partie intégrante de sa vie, de son passé et de son identité.

Malgré la difficulté du métier et les absences à répétition à cause du nombre d’heures nécessaire pour gagner à peine de quoi sur-vivre. Un pêcheur-marin indépendant est moins bien payé qu’un marin employé pour un groupe ou une grosse société. Plane au-dessus de tout cela la question de la liberté, a-t-on le choix du métier que l’on fait ? À la mort de son père, Stan a dû travailler, et ce, sans pouvoir continuer ses études. Il s’est construit par son travail, qui fait de lui ce qu’il est, le définit entièrement.

La société pousse les honnêtes gens au délit

Le film montre comment les gens vont tomber dans les diverses combines pour simplement gagner de l’argent. Ils ne le font pas par gaité de cœur, mais pour s’en sortir.

Est-ce mal ? En philosophie, cela s’appelle « La criminologie de la réaction sociale » d’Émile Durkheim, qui suggère les conditions avec lesquelles la société peut conduire des individus honnêtes au crime en créant des conditions propices. Cette idée a été explorée dans le cinéma par des réalisateurs tels que Fritz Lang, notamment dans « M le maudit » (1931), où des personnages succombent à la criminalité en raison de pressions sociales.

Ces perspectives soulignent la complexité des relations entre société et comportement criminel. Dans le cas de notre héros incarné par Patrick Timisit, il ne pourra pas invoquer l’état de nécessité (L’article 122-7 du Code pénal), car la majorité des choses volées sont réutilisées afin d’améliorer son quotidien ou remises en vente. Peut-être que la suite du récit fera de lui un activiste ou un héros du quotidien, comme ce maitre nageur qui va apprendre un migrant à nager pour traverser La Manche dans Welcome (2009-Philippe Lioret).

Philippe Pollet-Villard navigue à travers ce film dans les différentes raisons qui poussent un homme bien rangé et honnête à enfreindre les lois. Est-ce par « Désobéissance civile » ? Le combat de Stan reste sans violence et sans bruit, il veut juste rééquilibrer les choses en faisant quelque chose qui lui semble juste. Porté par une conviction morale profonde et une volonté d’assumer les conséquences légales de ses actions, il agit envers et contre tous.

À lire l’interview du réalisateur et de l’acteur disponible sur Capitaine Cinemaxx

_______________

Note : 5 sur 5.

28 février 2024 en salle | 1h 29min | Comédie dramatique
De Philippe Pollet-Villard | 
Par Philippe Pollet-Villard, Allan Mauduit
Avec Patrick Timsit, Valérie Bonneton, Saaden Sada Balius


En savoir plus sur Direct-Actu.fr le blogzine de la culture pop et alternative

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.