Entre expressionnisme, surréalisme et gothisme, Yórgos Lánthimos questionne sur la notion de l’être, de l’âme, le perfectible de l’Homme et l’Humanité.

Une créature mécanique :
Le film est une adaptation du roman éponyme écrit par Alasdair Gray et publié en 1992. Racontant l’histoire d’une jeune femme suicidée ayant reçu le cerveau d’un bébé. Sous ses aspects de Frankenstein féministe, le film emprunte à plusieurs courants de pensée philosophique tels que l’Homme et Animal machines. Ce concept relève du mécanisme, un courant de pensée du XVIIe siècle soutenant que tous les phénomènes peuvent être expliqués par des mécanismes physiques. Descartes et d’autres ont influencé cette perspective.
René Descartes, un philosophe du XVIIe siècle, est souvent associé au mécanisme. Il a conceptualisé le corps comme une machine physique, tandis que l’esprit (ou l’âme) était considéré comme distinct et non matériel. Cette dualité entre le corps et l’esprit a contribué à façonner la vision mécaniste de l’organisme humain.
La vraie problématique de cela est de comprendre comment fonctionne l’essence de la vie. Les expériences sur le corps et l’électricité ont influencé l’idée qu’on pouvait redonner vie à un corps, mais dans l’effet nul n’y arrivait. Il y avait quelque chose qui disparaissait, l’âme que le mouvement animiste et romantisme désignaient par l’Anima. Tout de ce film est une quête sur l’Être et aussi la construction du vivant, en espérant pouvoir améliorer l’Humanité en les réparant. Un peu comme Frankestein, bien que le père « God » de Bella ressemble étrangement à un Elephant-man mutilé et ne pouvant plus rien apprécier de la vie sans avoir recours à des machines.
En regardant ce film, on peut se demander pourquoi la seconde créature ne se développe pas aussi bien que Bella ? On pourrait expliquer cela par les théories de l’attachement selon Bowlby, qui démontra qu’on a besoin de créer du lien avec un donneur de soin privilégié. Sans cela, l’enfant ne pourra pas se développer normalement sur le plan affectif et social.

Une esthétique très poussée : Expressionnisme, Surréalisme et Fantastique
Au-delà de la question de l’être, on ne peut pas oublier de noter l’esthétique du film utilisant à tour de rôle le noir et blanc et la couleur. Au début, l’extérieur et les souvenirs étaient en couleur tandis que la vie dans le château était en noir et blanc. On remarque cette utilisation de focale courte donnant un aspect fisheye, renforçant l’impression de surveillance perpétuel. Comme si, quelqu’un observait non-stop la vie de Bella, tel un sujet de laboratoire.
Ce traitement de l’image va de pair avec l’esthétique très expressionniste allemande et surréaliste, accentuant les proportions des choses. Les paysages ressemblent beaucoup à ceux des scènes en pleine tempête du film Annette de Leos Carax. Les différents cartons séparant les grandes parties du film, souvent associées à des villes comme Lisbon, Paris etc utilise des images surréalistes, mettant en scène Bella dans des positions lascives accompagnée d’étranges créatures. En utilisant ces cartons, le réalisateur essaie d’accentuer la part de classicisme dans son langage cinématographique.

Le choix de tourner en pellicule
Le choix de tourner en Ektachrome 35 mm confère à « Pauvres créatures » une esthétique distinctive, offrant un rendu visuel vibrant et détaillé. Cette pellicule spécialement fabriquée par Kodak crée une photographie presque picturale, renforçant l’impact visuel du film et ajoutant une dimension artistique unique à l’expérience cinématographique.
Les photographies en Kodak Ektachrome offrent des couleurs vives, une excellente netteté et un grain fin. Elles sont prisées pour leur reproduction précise des tons chair et leur rendu fidèle des couleurs, notamment dans les tons pastel.
La part de fantastique et d’étrange est souligné par la présence de nombreux animaux hybrides, des chimères composées de l’assemblage de deux espèces ensembles. On appelle plus exactement cela des chimères taxidermies dont l’anglais Rowland Ward, un taxidermiste de renom, a fait fortune en montant sa société Rowland Ward Limited à Piccadilly Londres dédié à cette branche un peu spéciale.
Emma Stone est explosive dans le rôle d’une créature subjuguée par le monde et ses conventions sociales assourdissantes. Elle est brute, sans inhibition et dit clairement ce qu’elle pense, car elle est comme son âge de développement mental. Une interprétation audacieuse !
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17 janvier 2024 en salle / 2h 21min
Comédie, Drame, Fantastique, Romance, Science Fiction
De Yórgos Lánthimos
Par Tony McNamara
Avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe
Titre original Poor Things
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