Un film à la fois poétique et plein d’espoir, celui que même ceux qui sont introvertis, sans bonne estime d’eux, puissent un jour rencontrer quelqu’un et peu à peu s’ouvrir aux autres.
Daisy Ridley est incroyable et campe une héroïne touchante, espérant trouver sa place dans un monde dans lequel elle semble n’être qu’une spectatrice.

Une réalisation simple et sublime

La réalisation propose quelque chose qui ne va jamais dans l’excès où chaque détail apporte une pierre a l’édifice pour faire jaillir un peu de beauté dans la magie du minimaliste. Voir le monde à travers une protagoniste effacée, qui est fermée sur elle-même et refuse de parler d’elle, car cela n’a pas d’importance. Pourtant, peu à peu, elle va laisser paraître quelque chose de son esprit particulier, un esprit où les choses ont un sens, une importance et le travail doit être bien fait.

Les scènes en vue suggestive laissent paraître comme une forme de symbolisme ou simple l’âme des choses. La manière de traiter les pensées, les émotions de Fran est sublime et poétique. Certaines scènes rappellent un peu l’univers de Jacques Tati. Pour essayer de donner du sens à la vie et l’absurde, Fran pallie son manque de socialisation en s’inventant des scènes romantiques et gothiques, ponctuées d’une fascination pour la Nature et la mort. Sa posture lascive rappelle énormément le tableau de la jeune fille noyée, inspirée du mythe d’Ophélie.

Le mythe d’Ophélie, inspiré de la tragédie de Shakespeare, est souvent représenté dans l’art pictural avec Ophélie flottant dans l’eau. Ces tableaux symbolisent sa détresse, beauté fragile et la puissance de la nature, explorant la fragilité humaine et les tourments émotionnels.

L’image de Miss Fran, évoquant le mythe d’Ophélie, se dessine dans sa rêverie mêlée de pensées sombres et symboliques. Comme Ophélie, elle explore la fascination pour la mort, exprimant la fragilité de l’âme. Les scènes poétiques révèlent un dialogue entre la vie intérieure de Fran et le monde extérieur, tissant une toile émotionnelle complexe et profonde.

La peur de l’abandon et l’incompréhension des codes de socialisation

En réalité, cette fascination lui vient de son questionnement perpétuel de sa place et de son importance dans ce monde. Elle a tendance à se demander si elle compte réellement pour les gens et si ce n’est qu’une expérience.

Miss Fran est touchante tant dans sa manière de penser et de vivre simplement sa vie. Elle aime l’ordre et rêve de pleins de choses sans jamais oser les dire, car cela reviendrait à parler un peu d’elle. Comme beaucoup de personne solitaire, Fran repousse les gens de peur de les perdre ou de s’attacher. Laisser entrer quelqu’un dans sa vie, c’est prendre le risque de le décevoir par notre véritable personnalité. À force de repousser les gens, on finit par réaliser notre peur la plus profonde. Ils s’en vont après avoir essayé tant bien que mal de toujours faire le premier pas pour percer ce mur invisible.

Pourtant, ce n’est qu’une vue de l’esprit, car bien souvent les gens qui nous entourent vivent dans l’attente de partager des choses authentiques avec les autres. Elles aussi ont peur de paraitre ridicule, et Fran est incroyable lorsqu’elle ose jouer avec les autres, car sa manière de décrire en détail la mort de son personnage dans le jeu de rôle.

Un peu comme le film Gilbert Grape réalisé par Lasse Hallström, d’après le roman de Peter Hedges, sorti en 1993 ; qui dans son titre original disait What’s Eating Gilbert Grape, on apprend beaucoup en écoutant les silences de ceux qui ne disent mot, ou encore ceux qui font tourner ce monde en étant simple, concret et optimiste-réaliste.

Quelques mots sur la production du film

La réalisatrice a décidé de réaliser le film La Vie Rêvée de Miss Fran pour sa profonde identification au sentiment d’isolement de Fran. Son désir d’amour et de communion, mystérieux et inatteignable, la pousse à se réfugier dans un monde intérieur. Les fantasmes qui renforcent son sentiment d’étrangeté s’effacent avec la rencontre de Robert, bouleversant son isolement. Le film poétise chaque aspect de la vie de Fran, soulignant le temps qui passe et offrant des leçons simples mais profondes sur la recherche de sens.

Dans un entretien, la réalisatrice, Rachel Lambert, expose une approche non triste du film, soulignant sa dimension solaire. Évitant le cynisme, Lambert explore l’obsession universelle pour la mort liée à notre façon de vivre. L’humour émerge naturellement des détails microscopiques de la vie quotidienne, sans moquerie. La bande-son évoque l’âge d’or hollywoodien, contribuant à la tonalité vintage, et le décor devient un personnage définissant l’atmosphère. La réalisatrice explique que le film explore la connexion de Fran au monde plutôt qu’une simple histoire d’amour, créant un défi stimulant pour rendre le monde crédible depuis la perspective unique de la première personne narrante.

Le choix d’une actrice incroyable

Daisy Ridley incarne brillamment le personnage complexe de Fran dans « La Vie Rêvée de Miss Fran« . Connue pour son rôle dans Star Wars, Daisy Ridley offre une performance métamorphosante, faisant oublier son iconique interprétation.

Sa capacité à capturer les nuances de l’isolement, de l’angoisse et du désir de connexion donne vie à Fran de manière authentique. Sous la direction de Rachel Lambert, elle apporte une profondeur émotionnelle à son personnage, explorant avec finesse les facettes de la solitude et de la recherche de sens. Sa collaboration avec Rachel Lambert souligne non seulement son talent d’actrice, mais également son habileté à choisir des rôles complexes et à les interpréter avec une conviction exceptionnelle.

La collaboration entre Daisy Ridley et la réalisatrice a été cruciale pour donner vie à la profondeur du personnage de Fran. Leur compréhension mutuelle a permis d’explorer les aspects les plus intimes de la solitude et du cheminement de Fran. L’actrice a su interpréter avec subtilité les nuances émotionnelles du scénario, créant une connexion authentique entre l’actrice et le personnage.

La capacité de Rachel Lambert à guider Ridley à travers les défis narratifs a contribué à forger une performance captivante et sincère, faisant de Fran un personnage mémorable. Cette collaboration est surprenante, parfois on n’arrive plus à cerner la part de Daisy existante dans Fran; d’où l’importance d’une relation étroite entre actrice et une réalisatrice pour façonner un personnage complexe et authentique à l’écran.

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10 janvier 2024 en salle / 1h 31min 
 Comédie, Comédie dramatique, Drame, Romance
De Rachel Lambert
Par Stefanie Abel Horowitz, Kevin Armento
Avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena
Titre original Sometimes I Think About Dying