Fremont de Babak Jalali portrait poétique d’une jeune réfu­giée afghane


Fremont est une ville en Californie, USA. A travers ce film, Babak Jalali explore la vie d’une immigrée afghane, Donya, travaillant dans une fabrique de « fortune cookies ». Cette usine symbolise les possibilités offertes aux États-Unis, tout en servant de toile de fond à l’histoire, soulignant les messages des biscuits de la fortune qui influencent le parcours de Donya.

Un film plein de poésie malgré quelques longueurs. On suit le parcours de cette jeune femme ancienne traductrice pour l’armée américaine. La réalisation est soignée et prend le soin de traduire ce sentiment de solitude par des scènes invitant à l’introspection ou encore des moments où le temps semble figé.

Souvent, le noir et blanc est utilisé comme facilité pour se donner un style, un genre artistique. Là il vient sublimer la beauté et les regards à travers ces portraits quasi photographiques.

ANAITA WALI ZADA est la révélation de ce film poétique.

On aime sa manière d’apparaitre à la caméra, comme si elle cherchait toujours à se positionner sur le bon emplacement et sa scène avec le garagiste est sublime.

Une rencontre fortuite qui débouche à quelque chose d’hypothétique. On ne sait rien et on n’en saura pas plus. Comme si nous étions les témoins extérieurs de la vie de l’héroïne, il n’est proposé ici que des morceaux de vie sans en dire plus que ce qui est révélé à l’écran, ou encore suggéré et témoigné pendant les séances avec son psy.

Nous sommes un peu comme ces anonymes qui se rencontrent et échange dans un bus au fil des trajets, on découvre quelques éléments, on fantasme l’inconnu et cherche à imaginer comment les choses vont se terminer.

FREMONT Jeremy Allen White
FREMONT Jeremy Allen White

Réflexion sur les fortunes biscuits

Dans le film, la protagoniste se voit confier le métier de rédactrice des petits billets insérés dans les biscuits de la fortune. Elle se rend compte que grâce à ce métier, tout lui est désormais possible, du moins elle gagne en liberté et n’est plus une simple employée devant conditionner les produits. On a beaucoup aimé ce changement radical entre les deux périodes du film où elle était une employée dans un processus vraiment fordisme et ce renouveau dans sa vie.

Les praticiens de la divination, tels que les cartomanciennes, astrologues ou voyants, occupent une place singulière dans nos vies en offrant des aperçus du futur. Leur influence subtile se fait sentir dans nos décisions quotidiennes.

L’ignorance, souvent considérée comme le véritable libre arbitre, permet à chacun d’agir en accord avec ses convictions profondes. En revanche, la connaissance prédictive nous pousse à anticiper et à lutter contre la Fortuna et le destin. Le simple fait de savoir altère notre aptitude à affronter le hasard. En cherchant à dévoiler les mystères du lendemain, ces praticiens peuvent involontairement conditionner nos choix, suscitant des réactions préventives.

La divination, tout en offrant des éclairages, soulève la question complexe de notre rapport au destin, entre le désir de contrôle et la sagesse de l’acceptation de l’inconnu. La quête de prévision se mêle à la notion de libre arbitre, créant un équilibre fragile entre la curiosité humaine et la volonté de maîtriser le cours du temps.

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Note : 4.5 sur 5.

6 décembre 2023 en salle / 1h 31min / Drame
De Babak Jalali
Par Carolina CavalliBabak Jalali
Avec Anaita Wali ZadaJeremy Allen WhiteGregg Turkington

Comment est né le projet du film Fremont

Le projet du film a émergé lorsque le réalisateur Babak Jalali, après avoir tourné Radio Dreams à San Francisco neuf ans plus tôt, découvre la plus grande communauté afghane des États-Unis à Fremont. Intrigué par le sort des ex-traducteurs afghans, il décide avec sa productrice Marjaneh Moghimi de réaliser un film explorant cette communauté.

Le désir de montrer une facette différente des femmes afghanes, loin des stéréotypes médiatiques, l’a également motivé. La genèse du film reflète sa préoccupation constante pour les marges de la société et son désir de présenter des histoires authentiques.

Le personnage de Donya

Le personnage central, Donya, incarne une immigrée solitaire travaillant dans une fabrique de « fortune cookies ». Le réalisateur a voulu éviter de tomber dans la victimisation lors de la représentation de l’expérience de l’immigration. Dans sa représentation de Donya il a cherché à humaniser le personnage, pour établir une connexion profonde avec le public. Le choix du lieu de travail dans une fabrique de « fortune cookies » s’est concrétisé lors d’une visite, offrant des possibilités visuelles et symboliques en lien avec le parcours de Donya.

Babak Jalali aborde la bienveillance envers les personnages, même ceux moins sympathiques, comme une réponse à un climat mondial marqué par la montée des peurs et des angoisses. Par sa manière de traiter le sujet de l’immigration, il souhaite contester les discours alimentant la haine en montrant que, malgré les difficultés, les gens peuvent coexister et se comporter décemment. Fremont traite de thèmes lourds avec légèreté, trouvant un équilibre entre mélancolie et humour, une approche constante dans le travail de Jalali.

Fremont traite de thèmes lourds avec légèreté, trouvant un équilibre entre mélancolie et humour, une approche constante dans le travail de Jalali.

Le choix esthétique

Le choix du noir et blanc, du format 4/3 et des plans fixes dans la réalisation de Fremont a été une décision intuitive du réalisateur, renforcée par la collaboration avec la directrice de la photographie Laura Valladao. Ces choix visuels contribuent à isoler les personnages, reflétant leur isolement mental et social. Le film capture la condition de Donya en noir et blanc, accentuant le contraste entre sa vie en Amérique et son passé en Afghanistan.

Les acteurs, mélange de professionnels et de non professionnels, ont tous contribué à la réussite du film. Anaita Wali Zada, non professionnelle, a brillamment interprété Donya, apportant une authenticité et une profondeur au personnage. Les choix artistiques et la tonalité bienveillante de Fremont rappellent le style de réalisateurs tels qu’Aki Kaurismaki et les premiers films de Jim Jarmusch, tout en affirmant la singularité de l’approche de Babak Jalali dans son exploration des marges de la société américaine.


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