Une femme sur le toit ou le statut des femmes-mères en Pologne.


Le film Une Femme sur le Toit puise son inspiration dans un événement réel qui a bouleversé la Pologne en 2011. À partir de cette histoire vraie, la réalisatrice Anna Jadowska a donné naissance à Mirka, un personnage complexe. Le film est une émouvante chronique de la vie d’une femme à l’aube de sa retraite, mais accablée par l’accumulation de dettes qui pèsent sur elle.

Les difficultés du quotidien d’une femme n’y arrivant plus

Mirka incarne les défis auxquels sont confrontées de nombreuses femmes à travers le monde. Elles se battent au quotidien pour concilier le renouveau et le poids des traditions. Ici, Mirka est prise d’un mal-être généralisé, bien qu’il ne corresponde pas à une dépression clinique, il se manifeste par un désenchantement face à la répétition monotone de ses journées.

Elle se compare constamment aux femmes plus jeunes de la nouvelle génération, alimentant ainsi un sentiment profond d’insatisfaction et d’inutilité. Sa hiérarchie semble totalement invisible et sa carrière à l’hôpital touche à sa fin. Que faire de cette nouvelle étape de la vie quand tant sacrifices sonnent faux ?

Anatomie du mal de vivre

Mirka accumule en elle tant d’émotions refoulées qu’elle se replie progressivement sur elle-même. Chacun de ses gestes envers les autres devient un cri silencieux à l’aide, un appel désespéré. Les traits de solitude se dessinent de plus en plus nettement sur son visage, marquant ainsi les stigmates de sa détresse.

La honte l’envahit, découlant de l’incapacité à se rebeller contre les normes imposées par la société. Le silence devient alors son compagnon le plus intime, un silence lourd de tristesse et de résignation. Lorsque l’on est adossé au mur, demander à l’aide devient de plus en plus compliqué, car cela nécessite de briser l’image illusoire que l’on donne aux autres. On ignore beaucoup du quotidien des gens qui nous entourent et ce film montre combien nos parents sont capables de faire des sacrifices sur leur propre confort pour nous offrir une voiture à crédit ou simplement un GPS.

La réalisatrice fait l’analyse de ces travailleurs qui accumulent les crédits pour essayer de sauver les apparences. Même si le film se focalise sur Mirka, la scène de l’animalerie illustre clairement le quotidien difficile des Polonais ayant du mal à joindre les deux bouts.

Faire la prévention contre l’endettement

Au-delà du portrait des mères polonaises, le film explore également le thème de la chute financière et de l’endettement. Comme de nombreuses femmes dans sa situation, Mirka est prête à tout sacrifier pour sa famille. Elle s’enfonce dans un gouffre de crédits et de microcrédits, espérant ainsi maintenir une certaine stabilité pour ses proches. Cette réalité complexe et cruelle est présentée comme un avertissement contre les pièges financiers, illustrant comment une femme (aussi bien les hommes) peut se retrouver piégée dans une lutte désespérée pour survivre.

Hasard des calendriers, le film Une année difficile sortira à la même date que le film d’Anna Jadowska. Il explore des thèmes similaires à travers le quotidien de deux hommes surendettés, l’un tente de se suicider et l’autre vit grâce à des petites escroqueries et des reventes d’objets substitués dans un aéroport.

Esthétique du film et aspect sociologique

L’esthétique du film joue un rôle crucial dans la narration, apportant une dimension visuelle profonde à l’histoire de Mirka. Inspirée par le travail de la directrice de la photographie japonaise, Rinko Kawauchi, l’équipe artistique a créé une palette de couleurs et de lumières qui évoque à la fois chaleur et révélation. Les images du film captent la transformation intérieure de Mirka au fur et à mesure qu’elle découvre un monde différent.

On a trouvé poétique la manière de montrer Mirka allongée dans l’herbe, laissant ses pieds reposer dans un courant d’eau. Cette esthétique visuelle chaleureuse reflète l’histoire d’une femme s’éveillant à nouveau à la vie. Elle commence à voir le monde sous un nouvel angle, et qui prouve qu’elle peut encore vivre pleinement, respirer, et s’aimer elle-même tout en répondant à ses propres besoins.

Sur le plan sociologique, le film met en avant la condition difficile des femmes des pays de l’Est, dévouées à leur famille. Mirka incarne cette réalité, acceptant son rôle traditionnel de gardienne du foyer sans remettre en question les normes et les coutumes qui l’entourent. Cependant, le film ne se contente pas de présenter cette réalité, il souligne également un changement progressif au sein de la nouvelle génération de femmes.

Ces femmes issues de la nouvelle génération, tout en reconnaissant l’importance de la famille, commencent à privilégier leur carrière et à remettre en question les rôles traditionnels. Une Femme sur le Toit offre ainsi une perspective sociologique sur l’évolution des femmes de l’Est, montrant comment elles commencent à forger leur propre chemin dans une société en mutation, tout en faisant face aux défis qui subsistent. Comme il est si bien dit dans la thérapie collective de Mirka, il faut savoir dire ce que l’on veut et essayer d’agir !

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Note : 4.5 sur 5.

18 octobre 2023 en salle / 1h 35min / Drame
De Anna Jadowska
Par Anna Jadowska
Avec Dorota PomykalaBogdan KocaAdam Bobik
Titre original Kobieta na dachu

PHOTOGRAPHIE La Vingt-Cinquième Heure


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