Tourné en 16 mm, Quand les vagues se retirent flirte entre documentaire, cinéma expérimental et poésie. Des cadrages soignés, des instants de contemplations et beaucoup de remises en questions existentielles hantent le récit du nouveau film du réalisateur LAV DIAZ.

Le dernier des Humanistes
Entre noirceur reflétant les méandres de l’âme humaine et une photographie très marquée par son grain, le récit proposé s’inspire énormément de la vie de Lav. La présence des prostituées, par exemple, a occupé une grande part de son quotidien. Lorsqu’il vivait à Antipolo (près de Manille), il louait une chambre d’hôtel voisine de celle d’un groupe de jeunes femmes travaillant la nuit et revenant au petit matin, au moment où Lav faisait cuire ses nouilles. Il a développé une relation intime avec ces femmes en devenant le confident de leurs peines et de leur quotidien difficile.
C’est avec tendresse qu’il dresse le portrait de ces femmes et en ne les jugeant jamais, ne cherchant pas à émettre un avis négatif. Sa manière de les filmer donne même envie de mieux les comprendre. Il arrive à faire ressortir leur intimité, leur féminité, là où beaucoup de cinéastes ne font que les sexualiser ou transformer leur vie en un prétexte de film social. Lav Diaz est probablement l’un des réalisateurs le plus humaniste qu’il soit, durant ce long métrage, il essaie de mettre en avant l’âme de ses héros, leurs regrets et leur espoir de rédemption. Son travail sur certaines séquences ressemblerait presque à la méthode de l’observation non participante, utiliser dans quelques études anthropologiques.

Diversité de Genres Cinématographiques
Après avoir exploré la comédie musicale avec La Saison du diable (2018) et la science-fiction à travers Halte (2019), Lav Diaz se plonge désormais dans le monde du film noir et du polar. Selon Diaz, son approche de la création cinématographique s’apparente à celle d’un romancier ou d’un poète, mettant en avant une narration ample, des dialogues profonds et des personnages complexes. Pour cela, il puise dans les vieux films noirs et les westerns spaghetti pour façonner Quand les vagues se retirent. Cependant, il souligne qu’il n’existe pas véritablement de tradition du polar dans le cinéma philippin, décrivant comment le film s’inscrit dans un genre peu exploré dans sa région. Le film trouve également sa profondeur dans le contexte politique réel des Philippines, évoquant les meurtres commis sous l’administration de l’ancien président Rodrigo Duterte. Diaz insiste sur l’authenticité, en utilisant des décors réels pour filmer les scènes à l’école de police et en s’appuyant sur les photos du photo-journaliste Raffy Lerma, témoin direct des atrocités.
Une Recherche de Vérité et un Choix Inattendu
L’objectif ultime de Diaz est de capturer la vérité à travers son cinéma. Quand les vagues se retirent a été tourné en 16 mm, un choix qui s’est présenté de manière fortuite mais qui a finalement enrichi l’esthétique du film. Habituellement, le réalisateur travaille en vidéo numérique, plus simple pour ses enregistrements pris au quotidien, et saisis sur l’instant. Il collabore avec l’acteur Ronnie Lazaro, qui a figuré dans plusieurs de ses projets précédents, soulignant la relation de travail solide entre les deux. Les lieux de tournage, influencés par des événements naturels comme l’éruption du volcan Taal et les conditions météorologiques, ont contribué à l’authenticité du film. Il se souvient de sa quête pour capturer l’essence des vagues, symbolisant sa détermination à exprimer sa créativité malgré les obstacles. Chacun de ses personnages semble coexister avec les éléments naturels, comme s’il n’y avait plus de hiérarchie entre l’Homme et la Nature.
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16 août 2023 en salle / 3h 07min / Drame, Thriller
De Lav Diaz
Par Lav Diaz
Avec John Lloyd Cruz, Ronnie Lazaro, Don Melvin Boongaling
Titre original Kapag Wala Nang mga Alon
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