Un Coup de Maitre, le dernier film de Rémi Bezançon dévoile le quotidien d’un artiste Renzo Nervi et de son meilleur ami et galeriste Arthur Forestier. Leur vie est basée de grandes déclarations d’amour et de tension. Arthur travaille d’arrache-pied pour rester rentable tandis que Renzo est à la recherche d’une inspiration qui a disparu à la mort de sa femme.

Le film se focalise très bien sur le rapport entre création et commande, art et marketing. Il est désormais avec les nouvelles technologies de vendre des copies uniques des plus belles œuvres d’Art. Vendre une copie qui sera perdue dans un cloud, dans l’invisible. Une belle métaphore pour souligner la part étrange de l’Art dont Hegel déjà en son temps discutait en essayant de créer avec l’Esthétique une règle régissant le Beau.

Le Beau tellement paradoxal puisqu’il repose bien plus sur des affects subjectifs que sur de l’objectif. Lorsque l’on y met tout son cœur, le public n’y voit rien. Cet écueil perceptif est formulé à merveille dans la chanson Cézanne peint de France Gall, où il est décrit l’état compulsif et totalement obsessionnel des artistes ne vivant qu’à travers des « épreuves d’artistes » offrant un état de catharsis menant au bonheur.

Le réalisateur dépeint à merveille la figure de l’Artiste Maudit ne rencontrant le succès que lorsqu’il disparaît. Il reprend le cliché des artistes luttant contre le capitalisme, ne voulant pas signer une commande. Est-ce de la conviction ou de la fierté ? Peut-être une forme de quête d’un état de douleur permanent pour trouver le moyen de faire jaillir l’expression de l’Art ? Il est vrai que lorsque nous sommes heureux, on n’arrive plus à créer ou à parler et comme le dit si bien Renzo un artiste c’est celui qui n’a plus rien et qui peint pour peindre.

L’Art essence politique ou humaniste ?

N’oublions jamais que l’Art est le dernier rempart pour ceux qui n’ont plus rien pour les défendre. Il offre une échappatoire, une lueur d’espoir dans les moments les plus sombres de la vie. Les créateurs, avec leur talent et leur sensibilité, donnent voix à des émotions profondes et offrent une connexion universelle à travers leurs œuvres.

Cependant, il est crucial de reconnaître que parfois, cet Art puissant peut se retourner contre les artistes eux-mêmes. Le processus créatif intense peut finir par les consumer, et le tourbillon d’émotions qu’ils explorent peut entraîner un sentiment de vide et de spleen, comparable à un venin sinueux. La création artistique est une voie exigeante, où les artistes sont confrontés à leurs démons intérieurs, mais également à un besoin profond de s’exprimer et de partager leur vision du monde.

C’est pourquoi il est essentiel d’offrir un soutien et une compréhension à ces artistes, qui se dévouent pour donner du sens et de la beauté à notre existence. La société doit apprécier leur travail et reconnaître la valeur de l’Art en tant que moyen d’expression essentiel aussi bien existentiel, politique ou humaniste.

L’immortalité à travers les Arts

En embrassant la dimension salvatrice et humaniste de l’Art, nous pouvons véritablement saisir sa puissance transformatrice. Il peut non seulement nous aider à comprendre le monde qui nous entoure, mais aussi à nous comprendre nous-mêmes. Ou encore pour laisser une trace dans l’Histoire, une trace qui ne sera comprise que par les initiés. L’Art parfois se suffit à lui-même lorsqu’il laisse tout être dans une même intime conviction qui sort de toute raison ou de toute explication possible. L’Art c’est le possible et l’impossible, le visible et l’invisible, l’éphémère et l’immortalité.

C’est peut-être en raison de cette dimension très singulière que l’Art et la Culture bénéficient en France d’un statut à part, appelé « l’exception culturelle, » conférant ainsi aux différentes expressions artistiques une protection et une gestion à part.

Un vrai coup de cœur pour ce film à la fois drôle et sinistre.

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9 août 2023 en salle / 1h 35min / Comédie
De Rémi Bezançon
Par Rémi Bezançon
Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Bastien Ughetto