Les petits mensonges à l’ère numérique : Juniors, le Teen-Movie de l’été


Un film drôle et bien écrit, avec une Vanessa Paradis en mère célibataire moderne. Le casting des ados est bien dosé, avec un scénario faisant beaucoup d’allusions à la Culture Pop. «Juniors» est incontestablement le teen-movie de l’été !

Les petits mensonges à l’heure du numérique

Juniors est un peu C’est pas ma faute (1999-Jacques Monnet), on a des jeunes dépassés par leurs actions. Des bêtises, des conneries de gosses qui naissent de leur ennui interminable. Ici, les jeunes héros s’ennuient à Mornas, un village vauclusien situé au nord-ouest du département et limitrophe avec le Gard. Quand leur console rend l’âme, ils cherchent comment se faire de l’argent pour rapidement en racheter une nouvelle. Leur petit mensonge va peu à peu les emmener dans une situation les dépassant. En comédie française ou même en comédie tout court, les situations improbables permettent de révéler les gens, on en découvre un peu plus sur eux et aussi sur les rouages de leur petit monde.

Le réalisateur arrive aussi à poser un regard critique sur notre société où l’on s’impose des choix en fonction de normes sociales invisibles. Les gothiques restent avec les gothiques, les plus faibles avec les plus faibles. L’annonce du cancer du héros est comme un grand coup de pied dans la fourmilière et la norme est ébranlée par la bienséance qui leur impose de s’occuper de Jordan.
Le plus troublant dans cette situation est que les invisibles deviennent le sujet de préoccupation de chacune des personnes du village et surtout du collège. Un peu comme si une réalité alternative s’offrait à lui, lui donnant l’occasion d’être populaire et aimé.

La puissance de ce teen-movie est d’ancrer ses personnages dans notre époque en additionnant des références que nos ados comprennent.

Grandir dans la campagne française dans les années 2020 est une expérience paradoxale, où l’isolement géographique coexiste avec la présence virtuelle omniprésente grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Les ados de ce milieu rural sont influencés par des tendances internationales, connaissant mieux la mode de Brooklyn que certains New-Yorkais. Pourtant, malgré cette connexion virtuelle, ils se sentent souvent inassouvis, car leurs passions restent intangibles et inaccessibles. Ils manquent de modèles de réussite et vivent dans un ostracisme discret, dont on parle peu. C’est dans ce contexte que l’idée d’écrire un film qui reflète leur réalité est née. Ces mêmes problématiques sont fréquemment évoquées par les politiciens exerçant en banlieues. Ils évoquent cette réussite invisible s’enfuyant systématiquement dès le début de l’ascension sociale. La jeunesse quelque soit son milieu social rêve d’ailleurs, rêve d’être sauvé. Selon le contexte ou l’époque, elle va provoquer un lot de bêtises, de problématiques continuellement incomprises. Daniel Balavoine par exemple a été l’un de porte parole de cette jeunesse, annonçant avec effroi et colère le risque pour le futur d’ignorer sans cesse les besoins de ses ados. Ses mots ont été éternellement figés dans le titre Petite Angele « La jeunesse est une douleur si ancienne / En manque de compréhension », qui décrit à merveille cette période ingrate de la vie où nous sommes en colère, mal dans notre peau, inadapté.

Il y a aussi la mise en avant du quotidien des mères-célibataires élevant des ados de plus en plus compliqués, en essayant de comprendre leurs désirs, leurs envies. La morale de l’histoire est qu’on ne devrait jamais cesser de couper le contact avec le vrai, avec les gens que l’on aime.

Si Jordan et Patrick tissent un mensonge sur Internet, en pensant que les conséquences en resteront virtuelles et inoffensives, les répercussions seront au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Ils font partie de la première génération à être née avec Internet, une technologie révolutionnaire et en constante évolution. Ils explorent et commettent des erreurs et on a vraiment toutes les noirceurs de notre société qui sont décrites avec humour et tendresse.

Internet ne se résume pas à cela. Les ados d’aujourd’hui expriment leur créativité sur YouTube et arrivent à s’affranchir des frontières de leur village. On trouve même l’amour dans ce monde numérique. Cependant, comment faire vivre un amour digital ? Comment survivre après la déconnexion ? Beaucoup de films, de chansons parlent de ce sujet, que ce soit Pomme C de Calogero ou Amour.com de Jeremy Chatelain.
Juniors traite également avec merveille et intelligence de la web-culture et arrive à montrer comment la jeunesse se crée une culture alternative bien à elle !

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Note : 5 sur 5.

26 juillet 2023 en salle / 1h 35min / Comédie
De Hugo P. Thomas
Par Hugo P. ThomasJules Lugan
Avec Vanessa ParadisEwan BourdellesNoah Zandouche


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