Luc Besson revisite Dracula comme une fresque romantique et humaniste, où le mythe du vampire se mêle à une quête de rédemption. Une œuvre baroque, portée par Zoë Bleu et Caleb Landry Jones, qui explore l’amour, la foi, et le poids des valeurs oubliées.

Avec Dracula, Luc Besson s’éloigne du pur mythe horrifique pour signer un film romantique, esthétique et profondément humain. Dans ce récit où se mêlent amour perdu, foi mise à l’épreuve et quête de pardon, le cinéaste revisite l’œuvre de Bram Stoker avec sensibilité. Caleb Landry Jones incarne un Dracula mélancolique, prêt à traverser les siècles pour retrouver celle qu’il a aimée. Aux côtés de Zoë Bleu, surprenante révélation du film, cette version explore une facette plus intime et tragique du vampire. Un film à part dans la carrière de Besson, à la fois classique dans ses références et résolument contemporain dans son message.
English summary
In Dracula: A Love Tale, Luc Besson reimagines the vampire myth as a romantic and spiritual odyssey. Caleb Landry Jones portrays a melancholic Dracula, driven by the loss of his beloved, not bloodlust. With references to Francis Ford Coppola, Danny Elfman’s haunting score, and rich gothic visuals, the film becomes a poetic tale of love, faith, and redemption.
Zoë Bleu surprises in her first major role, adding intensity and modernity to Mina. Christoph Waltz, as the priest, brings rationality and spiritual tension. Shot in English but set in Paris and Eastern Europe, the film sacrifices linguistic authenticity for global reach, yet retains emotional resonance and stylistic ambition.
Un Dracula amoureux. Ce n’est plus la possession de l’être aimé, mais l’espoir de retrouver le bonheur de l’amour partagé.
Le réalisateur reprend les codes du vampire et puise énormément dans Francis Ford Coppola, donnant une relecture plus humaine. Le vampirisme prend le chemin de la foi, Dieu et le diable s’affronte en silence, mais seul le pardon et repentance offrent la paix ultime. Dieu donne la vie et la mort, mais la refuse à celui qui blasphème.
Ce Dracula ne saute pas au plafond, il suggère plus qu’il ne s’impose. Luc Besson rejette les super-pouvoirs façon comics, leur préférant une aura plus subtile. Oui, le vampire dispose de quelques capacités surnaturelles, comme une forme de télékinésie lui permettant d’agir à distance sur ses victimes ou objet, mais tout cela reste feutré, presque invisible. Loin des regards hypnotiques ou des morsures chorégraphiées, le vrai pouvoir de Dracula passe ici par le parfum. Une senteur conçue pour attirer les jeunes femmes, distillée comme une trace invisible et enivrante. Cette idée, qui peut sembler anecdotique, apporte une touche d’élégance et de modernité au mythe : Dracula ne domine plus, il fascine. Il ne chasse pas, il appelle. Cela le rend d’autant plus troublant — monstre discret, mais aussi homme blessé, sensible à la beauté, aux étoffes, aux gestes lents. Un esthète plus qu’un prédateur.
Zoë Bleu décroche son premier grand rôle au cinéma
Le casting est porté par plusieurs acteurs de qualité. Comme on le sait le cinéaste aime faire des films dans lesquels la Femme n’est pas un prétexte, mais un moteur à l’action, celui-ci ne déroge pas à la règle ! Mina/Elisabetha incarnée par Zoë Bleu est vivante, forte et explosive. Nous sommes loin de la Mina passive qui attend son prince ou son époux.

Un premier rôle et une première expérience pour la fille de Rosanna Arquette, qui a joué dans Le Grand Bleu de Luc Besson.
Fille de Rosanna Arquette, Zoë Bleu revendique une trajectoire personnelle, malgré l’héritage familial : « Je n’ai pas obtenu ce rôle grâce à ma mère », confie-t-elle à L’Essentiel. Son pseudo est un clin d’œil au Grand Bleu, film culte de Besson où jouait sa mère, mais Zoë affirme que lors de son audition, le cinéaste « ne savait pas qui [elle] était » et l’a choisie pour son jeu. Un chemin qu’elle trace désormais en actrice, après des débuts dans le costume et l’écriture.
Le prêtre : une foi qui résiste à l’ombre
Face au prince maudit, Christoph Waltz incarne un homme d’Église au calme implacable. Contrairement aux Van Helsing guerriers ou caricaturaux, le prêtre imaginé par le cinéaste avance sans fanatisme, avec une force tranquille. Ce personnage devient l’écho inverse de Dracula : tous deux sont blessés, tous deux cherchent la vérité, mais l’un croit encore en la lumière quand l’autre la rejette. Leur face-à-face, gardé pour le final, n’est pas une scène d’action, mais un duel spirituel. Dans ce jeu d’ombres, le film rappelle que la foi sincère peut aussi être un acte de résistance.
Ce prêtre travaille avec comme outil la raison et la foi, il ne met pas tout sur le dos de la foi, mais cherche à expliquer les choses de manière logique et rationnelle. Des dents longues ne veut pas dire vampire, une peur de la lumière ou des objets religieux ne veut pas dire vampire. Il avance avec prudence et clairvoyance, comme dans une enquête, posant les faits avant d’en tirer des conclusions. C’est cette lucidité qui en fait un personnage profondément moderne, et sans doute l’un des plus beaux rôles du film.

Un film plein de citations
On aime les différentes citations visuelles et musicales, Dany Elfman offre une proposition musicale en accord parfait avec le travail des décors. Les cascades sont réussies, car elles passent inaperçues. Tout est fluide et se perd dans le brouillard roumain.
Le spectateur averti y décèlera plusieurs clins d’œil aux grands maîtres du genre : Francis Ford Coppola bien sûr, mais aussi le cinéma muet expressionniste, les films gothiques de la Hammer ou même les envolées baroques de Crimson Peak. Chaque scène semble ciselée comme un tableau vivant, tantôt onirique, tantôt théâtral, où la musique de Danny Elfman agit comme un fil conducteur émotionnel, rappelant les thèmes Wojciech Kilar. Elle ne souligne jamais trop, mais accompagne, amplifie, suggère. Les décors, eux, foisonnent sans jamais étouffer : l’esthétique d’ensemble donne l’impression d’un roman illustré mis en mouvement. Il faut aussi saluer l’art du détail : les objets, les textures, les costumes, tout participe à l’immersion.
A lire Dracula le roman, à voir Dracula de Francis Ford Coppola.
Un film tourné en anglais
On regrette énormément le choix de la langue anglaise. Le choix d’un film multilingue, tourné en respectant la nationalité des personnages, aurait apporté plus de force au film, quitte à en limiter l’exportation US.
Ce parti pris de l’anglais intégral, bien que logique pour séduire l’international, affadit par moments la densité émotionnelle de certaines scènes. Le spectateur francophone ressent un léger décalage, notamment dans les dialogues situés à Paris ou dans les confrontations plus intimes. Loin d’être un détail, la langue aurait pu ancrer davantage le film dans une réalité européenne plus palpable. On imagine ce que Christoph Waltz ou Guillaume de Tonquédec auraient pu offrir de nuances supplémentaires dans leur langue maternelle. Le basculement en français aurait pu renforcer l’ancrage historique du récit sans nuire à sa lisibilité globale. Ce choix, bien que stratégique, laisse une légère frustration artistique.

Comment Luc Besson a croisé la route de Vlad ?
Luc Besson ne s’est pas réveillé un matin en se disant « Et si je faisais Dracula ? ». C’est Caleb Landry Jones, sur le tournage de Dogman, qui lui souffle l’idée. Une conversation autour des figures mythiques du cinéma, et le vampire s’impose, presque naturellement. Il replonge alors dans le roman de Bram Stoker et redécouvre une histoire d’amour déchirée par Dieu, plus qu’un simple mythe horrifique. Cette lecture nourrit un scénario intime, mélancolique, où l’amour devient foi, et la foi devient douleur. Caleb s’impose comme une évidence. L’acteur caméléon trouve d’abord la voix du personnage – grave, reptilienne – avant de composer un Dracula dandy, lent dans ses gestes, esthète dans sa démarche. Maquillage, costume, chaussures à talons, tout concourt à bâtir un vampire élégant, mais perdu, loin du Nosferatu animal ou du monstre surpuissant. Et c’est en voyant Caleb l’habiter que le réalisateur décide, finalement, de le réaliser lui-même.
Luc Besson s’autorise une grande liberté géographique et historique, fidèle à son envie de raconter une fable plus qu’une reconstitution. Il choisit de s’inspirer de Vlad II, le père, plutôt que de Vlad III, figure plus connue, car ce Dracula-là n’est pas un tyran sanguinaire : c’est un prince jeune, aimé, respecté, qui doute et souffre. Un homme de foi trahi par Dieu. Cette version évite le cliché du despote impitoyable pour privilégier la tragédie intime. Quant à la géographie, Luc Besson fait glisser subtilement la carte : la Roumanie devient une contrée de l’Est un peu floue, et Paris se retrouve à portée de cheval. — On voit en arrivant en Roumanie une pancarte « Vous quittez la France » — Ce déplacement narratif permet d’éviter les contraintes logistiques du roman (bateaux, trains, traversées) et de concentrer le récit dans une Europe romantique et symbolique. Paris devient le nouveau théâtre gothique du mythe, le lieu du souvenir et de la confrontation finale. Une vision d’Europe rêvée, réinventée par le prisme du cinéma.
Une quête d’humanité derrière les ténèbres
Luc Besson ne se contente pas de signer un film romantique ou baroque. En filigrane, Dracula devient un plaidoyer pour des valeurs atemporelles : l’amour, certes, mais aussi le respect, l’amitié, la justice et la persévérance. C’est ce sous-texte discret mais puissant qui donne à cette relecture toute sa modernité. En replaçant le mythe dans une Europe en fête, en pleine Révolution industrielle, le cinéaste dresse en creux un miroir de notre époque : une société moderne, bruyante, oublieuse du sacré, où les monstres ne sont peut-être que les reflets de nos blessures non soignées. Finalement, qu’est-ce qu’un vampire si ce n’est un mort-vivant trainant son corps et fuyant le jour. Une belle dépression post-rupture ou un deuil impossible comme l’avait esquissé Baudelaire dans son poème.
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30 juillet 2025 en salle | 2h 09min | Drame, Fantastique,
De Luc Besson |
Par Luc Besson
Avec Caleb Landry Jones, Christoph Waltz, Zoe Bleu
Titre original Dracula: A Love Tale
Malgré un article publié en amont, témoignant d’un réel engagement autour du film, nous n’avons pas été conviés à la projection presse. Cette chronique a donc été rédigée en toute indépendance, sans accompagnement studio. Nous nous efforçons ici de rester les plus factuels possible.
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Une réflexion sur “Dracula – L’Évangile d’un vampire amoureux selon Besson ”